Au-dessous du volcan marque la dernière phase dans la carrière d’Huston, certes alors âgé de 78 ans, mais toujours aussi lucide dans sa formidable entreprise d’adaptation des monuments littéraires.
Synopsis : À la veille du 1er novembre 1938, la nuit s’est abattue sur Cuernavaca et l’animation est déjà vive dans les rues où l’on prépare le Jour des morts. Geoffrey Firmin, ex-consul britannique, erre parmi la foule, ivre mort, pour oublier le départ de sa femme Yvonne.
Imbibé de mezcal et rongé par le passé, il est devenu une figure tragique notoire. Mais, au petit matin, Yvonne réapparaît sans crier gare, prête à commencer une nouvelle vie auprès de son mari…
Ultime promenade avant la mort
Critique : « Quelle minable façon de mourir ! », lâche, exsangue, le personnage de diplomate alcoolique interprété par Albert Finney, en conclusion à son histoire. Un spoiler ? Non. Comme le savent tous ceux qui ont lu le roman du britannique Malcom Lowry, Au-dessous du volcan met en scène la chute inéluctable d’un destin imbibé d’alcool, un homme sans confiance, jadis trahi par sa belle le temps d’une nuit, dans les bras de son beau-frère. Le Consul se réfugie, comme pour oublier son existence pathétique, dans la tequila et le whisky. Il ne lui reste plus que 24 heures à vivre, puisque le scénario se concentre sur la fin de son histoire.
John Huston, alors âgé de 78 ans lorsque sort en 1984 cette adaptation tardive, décrit une fois de plus la déchéance d’un homme brisé, cette fois-ci à travers un voyage crépusculaire dans les profondeurs d’un Mexique festif qui célèbre les morts. Une célébration curieuse pour l’alcoolique américain, qui préfigure son agonie imminente, alors que son ancienne femme, interprétée par la superbe Jacqueline Bisset, revient pour l’extirper du caniveau et le ramener vers un Canada de l’utopie, cette nation qu’aimait tant Lowry. Bisset y est formidable et compte là l’une de ses meilleures prestations.
Avec un sens toujours aussi rigoureux du cadrage et de la photographie, Huston, dont le cinéma est un véritable anachronisme dans le paysage yankee des années 80, va jusqu’au bout de ses exigences narratives et psychologiques, rabattant le clapet de tous ceux qui, pendant 40 ans, avaient prétendu que les pages de cet instantané de classique étaient inadaptables. L’ouvrage était dense et nébuleux ; Bunuel, Dassin, Ken Russel et Losey s’étaient mordu les dents à vouloir le mettre sur pellicule. C’était sans compter le talent d’un cinéaste entier, féru de littérature, qui, malgré son grand âge, demeurait toujours aussi lucide, à l’instar du personnage tragique de son film, voué à une destruction cruelle.
Boudé par le jury cannois en 1984, probablement en raison d’un aspect mélo-romanesque, Au-dessus du volcan est une étape qui annonce une dernière valse avec la mort pour le réalisateur des Misfits, qui, à l’instar du personnage de son film, a longtemps joué avec les fonds de bouteille. John Huston disparaîtra en 1987 en laissant derrière lui un ultime film, le feutré Les gens de Dublin d’après Joyce (1988). Cette fin de carrière nous impressionne.