Biopic intimiste et féministe, Ammonite a l’intelligence de se concentrer sur les sentiments de ses beaux personnages sans se faire porte-étendard d’une cause. Il n’en dénonce pas moins avec pertinence la société patriarcale britannique du milieu du 19ème siècle.
Synopsis : Dans les années 1840 en Angleterre, une célèbre chasseuse de fossiles et une jeune femme envoyée en convalescence au bord de la mer développent une relation amoureuse.
Retour sur le destin de la paléontologue Mary Anning
Critique : En 2017, le premier film de Francis Lee intitulé Seule la Terre est remarqué dans les festivals du monde entier pour sa capacité à saisir les sentiments amoureux entre deux fermiers gay. Lui-même homosexuel, Francis Lee a souhaité ensuite se pencher sur une histoire plus féminine dans laquelle il a injecté des thématiques qui lui sont chères. L’auteur a ainsi découvert l’existence de Mary Anning (1799-1847) qui est aujourd’hui considérée comme une grande paléontologue du 19ème siècle ayant notamment découvert de très nombreux fossiles encore exposés de nos jours.
© 2021 See-Saw Films, BBC Films, Neon / Pyramide Films. Tous droits réservés.
Seule ombre au tableau, cette paléontologue était totalement autodidacte et issue de la classe ouvrière dans une Angleterre très traditionaliste. Ainsi, elle fut longtemps oubliée des livres d’Histoire puisque les hommes qui lui achetaient ses découvertes se les attribuaient sans vergogne. N’oublions pas que la société britannique était patriarcale en plein cœur du 19ème siècle et que les grands instituts scientifiques étaient réservés aux hommes – qui plus est d’une classe sociale élevée. C’est justement cette société patriarcale qui exclut totalement les femmes que Francis Lee a souhaité dénoncer à l’heure de #MeToo.
Portraits de femmes en souffrance
Pour mieux mettre en valeur le rôle des femmes, et surtout démontrer le carcan dans lequel elles sont prisonnières, Francis Lee a fait le choix de se centrer sur les personnages féminins. La plupart des rôles masculins sont donc périphériques, mais leur omniprésence est dans tous les esprits. Ainsi, la mère un peu folle de Mary Anning – excellente Gemma Jones – ne s’est jamais remariée après la mort de son époux au risque d’en devenir froide et distante.
Mary Anning (Kate Winslet, toute en intériorité maîtrisée) a consacré sa vie à ses découvertes et on ne lui connaît ni mari, ni relation quelconque. Pourtant, Francis Lee a choisi de lui inventer une relation homosexuelle avec une jeune femme de la haute bourgeoisie venue soigner ses nerfs sur la côte du Dorset. Il est donc important de signaler que cette partie sentimentale est une totale invention de la part du réalisateur et qu’aucune relation lesbienne n’est attestée dans la vie de la vraie Mary Anning.
Ammonite est une œuvre sensible et touchante
En réalité, le but de Francis Lee était de montrer la naissance d’une passion amoureuse dans une société corsetée qui n’accepte pas la différence. Une thématique finalement très classique que le réalisateur parvient à rendre intéressante grâce à une mise en scène très attentive aux moindres détails. Ammonite est une œuvre intimiste où le moindre froissement de tissu a été capté par le preneur de son, où chaque regard se veut lourd de sous-entendus. Porté par des actrices formidables, dont l’excellente Saoirse Ronan, Ammonite est avant tout une œuvre sensible qui parvient à faire ressentir les tourments des personnages au point de nous toucher, là où un film comme Portrait de la jeune fille en feu (Sciamma, 2019) ne proposait qu’un résultat froid et terriblement désincarné.
© 2021 See-Saw Films, BBC Films, Neon / Pyramide Films. Tous droits réservés.
On peut certes trouver l’ensemble un peu trop prévisible dans ses développements et un rien académique. Mais Ammonite, tout en témoignant de l’effacement historique dont ont été victimes certaines femmes d’exception, ne se fait pas pour autant porte-étendard d’une cause. Film féministe assurément, Ammonite se veut surtout le portrait sensible de deux femmes prisonnières de leur condition, qui trouvent le temps d’une relation passionnelle un peu de réconfort et de quoi s’épanouir enfin.
Une sortie bouleversée par la pandémie mondiale
Sorti aux États-Unis en pleine pandémie de la Covid-19 sur un réseau de salles très réduit, le pauvre biopic, pourtant méritant, n’a cumulé que 160 930 $ de recettes. Présenté en salles sur de nombreux territoires, Ammonite a également été victime du coronavirus en France puisque sa sortie a été simplement annulée. Le long-métrage a d’abord été diffusé en exclusivité sur Canal+ fin juillet 2021, avant d’être édité en DVD par Pyramide Vidéo au mois d’octobre.
DVD :
On peut regretter qu’un tel film n’existe pas en Blu-ray dans notre pays. Une simple galette DVD pour promouvoir ce joli long-métrage. La qualité technique est heureusement au rendez-vous.
Le DVD propose une image d’excellente tenue, tandis que les pistes sonores nous immergent pleinement dans l’ambiance feutrée du métrage. L’éditeur agrémente le tout de deux bonus passionnants, à savoir un entretien d’environ 20 minutes avec le réalisateur Francis Lee qui insiste sur le fait qu’il existait peu de traces historiques sur la vie privée de Mary Anning et qu’il a donc opté pour un romanesque assumé. Il détaille aussi son travail avec les actrices et sa volonté de retranscrire l’époque avec le plus de réalisme possible. Son soin maniaque se ressent parfaitement à l’écran.
Enfin, Kate Winslet revient durant 18 minutes sur l’importance de son rôle, le travail de recherche effectué et plaide pour une égalité totale entre les hommes et les femmes. Son entretien tourne parfois au revendicatif pur et dur car on sent l’actrice très impliquée dans le mouvement #MeToo.
Critique de Virgile Dumez
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© 2021 See-Saw Films, BBC Films, Neon / Affiche : Louise Matas. Tous droits réservés.
